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Le mot "épicène" : un costume unisexe

| 19 octobre 2018 | par Jean-Christophe Pellat

L’adjectif spécialisé « épicène » est mis en valeur par le roman d’Amélie Nothomb, « Les prénoms épicènes » (Albin Michel), qui vient de paraître.

Le mot "épicène" : un costume unisexe

Dans le roman d'Amélie Nothomb "Les prénoms épicènes", un homme et une femme, Claude et Dominique, se rencontrent et se marient. Ils ont une fille qu’ils appellent Epicène, prénom peu commun et considéré par Claude comme « le prénom le plus épicène du monde ».

En effet, « Epicène » est un terme de grammaire, emprunté (1464) au latin classique « epicoenus », lui-même emprunté au grec « epikoinos », signifiant « possédé en commun ». En français, « épicène » qualifie le nom d’un être animé « qui désigne aussi bien le mâle que la femelle d'une espèce (ex. : la souris, le rat) » (Robert), ou, d’un point de vue morphologique, il qualifie un substantif ou un adjectif « qui a la même forme au masculin et au féminin » (TLFi), comme « Claude, Dominique, artiste, agréable, triste », et « épicène ». L’anglais « epicoene » a la même origine savante.

Amélie Nothomb, dans son roman, fait référence à Ben Jonson « Epicoene or The silent Woman » (1609), une comédie un peu leste où Epicoene se révèle être, à la fin, un garçon travesti en femme… Belle illustration du sens d’épicène ! Mais « Les prénoms épicènes » tourne plutôt à la tragédie, provoquée par la recherche d’une vengeance sordide.

« La personne qui aime est toujours la plus forte », dit Epicène, mais la haine constitue un moteur puissant. Dans un style clair et précis, Amélie Nothomb déroule une sorte de conte moderne, où les dialogues occupent une place centrale, donnant à ce roman une forte dimension théâtrale. Un livre épicène en somme ?

Jean-Christophe Pellat

Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.

Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).

En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.