Pour l'amour
de la langue française

Question d'enfant

Pourquoi la bicyclette a-t-elle deux T ? (Justine, 7 ans)

| 25 janvier 2019 | par Jean-Christophe Pellat

On pourrait répondre plaisamment : « parce qu’elle a deux roues »... Tentons de répondre sérieusement à cette question !

« Bicyclette » est un nom dérivé (1880) de « bicycle », mot emprunté à l’anglais (1869) où l’on identifie l’élément « bi- » et le nom « cycle » issu du grec « kuklos », qu’on retrouve dans « cyclisme, tricycle ». Dans « bicyclette », on reconnait le suffixe diminutif « -ette » féminin, correspondant au « -et » masculin : garçonnet, jardinet, fillette, mallette. » L’ajout du diminutif à « bicycle » peut être motivé par l’allègement apporté par la propulsion à pédales, avec une connotation sympathique (« Dictionnaire historique de la langue française »).

« Et les deux consonnes ? », dira Justine. C’est une question de prononciation, réglée à une époque où l’on se déplaçait à pied ou à cheval. Dans beaucoup de mots, les consonnes « n, l, t » ont été doublées devant un -e muet pour indiquer que le « e » qui les précède se prononçait « è » : « éternelle, violoncelle, indienne, lycéenne, pauvrette, simplette », comme au masculin « el » et « et » : « éternel, simplet ». Cette consonne a été doublée à une époque où l’on n’employait pas l’accent grave. Mais, à partir des années 1680, celui-ci s’est répandu, rendant inutiles les doubles consonnes : certaines ont été supprimées (« planette>planète, comette>comète »), beaucoup sont restées, notamment dans le suffixe « -ette » qui formait un bloc de sens.

Bref, si Justine, muette devant ces explications peu concrètes, ne veut plus enfourcher sa bicyclette, elle pourra se mettre au vélo ou au VTT, un nouveau sigle pour un cycle sportif.

Jean-Christophe Pellat

Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.

Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).

En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.