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POURQUOI « CHÂTEAU » se termine par -eau ?

| 06 juin 2018 | par Jean-Christophe Pellat

Parce qu’un château est entouré d’eau, qu’on peut s’y rendre en bateau…

Plus sérieusement, on peut se demander pourquoi on écrit « -eau » pour noter le son « o » à la finale de beaucoup de noms. On l’explique par l’histoire. « -eau » est un suffixe qui vient du latin « ellum », souvent employé pour former des noms diminutifs : « chevreau, renardeau » (petits d’animaux), « drapeau » (à l’origine une pièce de drap), jambonneau », « pruneau », « plumeau », « tombeau », « traineau ».

Pourquoi écrit-on « -eau » ? À cause de l’évolution phonétique : la première forme du suffixe en français était « -el ». La consonne « l » s’est vocalisée, donnant naissance à une diphtongue « au ». Puis cette diphtongue s’est réduite au son « o » et « eau » est resté, comme témoin de l’histoire. Plus précisément, on peut souvent mettre en relation des noms en « eau » avec des termes en « el », où le « l » est resté, notamment dans les emprunts savants. Ainsi, à côté de « château », on trouve « castel », et même « castelet », « petit théâtre de marionnettes » (Robert).

Et l’oiseau rencontre son oiselle et nourrit son oiselet, mais évite l’oiseleur ou l’oiselier, pour ne pas finir dans une oisellerie. F. de Saussure avait pris le nom « oiseau » comme le modèle des complications de l’orthographe française : aucune des lettres de ce nom ne se prononce comme elle le devrait. Hervé Bazin a donné le titre Plumons l’oiseau (1966) à son livre de réflexions critiques sur l’orthographe française, qui n’offre guère une vie de château pour les francophones.

Jean-Christophe Pellat

Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.

Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).

En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.