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« Être » ou « avoir » ?

| 02 mars 2023 | par Jean-Christophe Pellat

« Il est tombé » ou « il a tombé » ? « Elle est montée » ou « elle a monté » ?

"être" ou "avoir" ?

Quand on veut employer un temps composé, on peut hésiter sur l’auxiliaire à employer : « être » ou « avoir » ? L’auxiliaire « avoir » étant le plus utilisé, on fait la liste des cas où l’on emploie l’auxiliaire « être » (sans parler de la voix passive) : pour former les temps composés des verbes pronominaux (« elle s’est enfuie ») et de certains verbes (au moins 38) qui expriment, « pour la plupart, un mouvement ou un changement d’état » (« Le bon usage », §812), comme aller, mourir, naître ou tomber (« Il est tombé amoureux », expression inventée par Marivaux sur le modèle de « tomber malade »). Selon leur sens, d’autres verbes s’emploient « avec ’avoir’ quand ils expriment l’action – et avec ‘être’ quand ils expriment l’état résultant de l’action accomplie » (« Le bon usage », §813) : « augmenter, baisser, descendre, échapper, grandir, passer, » .... Comparer « Il a monté une armoire » et « Il est monté au grenier ». Dans l’usage actuel, cette répartition n’est pas aussi nette. L’auxiliaire « avoir » étant majoritaire, on tend à l’employer, par analogie, à la place de l’auxiliaire « être ». Surtout, évidemment, quand le verbe est suivi d’un COD (« On a tombé la chemise », Zebda), mais pas seulement : « J’ai resté ensuite sur mon lit et au soleil » (M. Desbordes-Valmore) – « Il a sorti ce matin » (Littré). Le choix de l’auxiliaire est alors déterminé par la manière dont on veut présenter le verbe, comme action véritable ou état résultant : comparer « Il a changé » et « Il est changé ». Et pour « disparaître », « avoir » tend à l’emporter actuellement sur « être ». Être ou avoir, il faut savoir ce que l’on veut dire.

Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.