Pour l'amour
de la langue française

"L’écho des cavernes, ou comment l’homme de cro-magnon a inventé la grammaire"

| 10 décembre 2019 | par Jean-Christophe Pellat

Ce livre de Pierre Davy, (Syros, 2009, « De 14 à 114 ans »), découpé en 17 « méditations », est un véritable journal linguistique de la Préhistoire

 Il raconte comment Sapiens, l’homme de cro-magnon, a inventé la grammaire et, tout simplement, le langage. Sapiens prend un jour conscience des limites du terme unique « wroumpf » pour communiquer avec les membres de sa tribu. Pour diversifier et enrichir son parler, il se met en bouche avec des onomatopées (« wa-ou »), qui deviennent signifiantes (« mam-mouth »). Sa première activité est de dénommer le monde qui l’entoure en créant des mots concrets, puis abstraits : il découvre le mot « amour » avec sa compagne « Eve ». Puis il combine les mots pour faire des phrases : « gazelle-brouter-herbe, oiseau voler ciel » et, « gardant le meilleur pour la fin, ‘Adam-aimer-Eve’ », à quoi Eve répond, évidemment : « Adam-croquer-pomme » (p. 48). Puis viennent l’adjectif qualificatif et l’adverbe, les déterminants et les pronoms, les temps du verbe, le participe, le passif, .... (« Aperçu grammatical selon Sapiens » en fin du livre). Sapiens passe ensuite de la phrase simple à la phrase complexe, découvre les joies du discours indirect et les subtilités des subordonnées circonstancielles (temps, cause, ...). Et le livre se termine par l’invention d’un « mode merveilleux » que le lecteur curieux pourra découvrir, car on ne saurait divulgâcher (ou spoiler...) la fin de l’histoire. Ce petit livre délicieux et plein d’humour ravira les enfants et tous ceux qui veulent voir la poésie de la langue. Ce récit vivant suscite une belle réflexion sur la langue et la pensée, et surtout sur la dimension sociale du langage, car l’argumentation joue un rôle important dans les échanges linguistiques de la tribu, autour du chef Phacochère, du Peintre qui en est encore aux pictogrammes et du Sorcier, avec des éclairs philosophiques : « Une pensée l’avait saisi : qu’y a-t-il au bout du futur ? » (p. 132).

Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.