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Les homophones censé et sensé

| 29 mai 2019 | par Jean-Christophe Pellat

Comment bien différencier "censé" et "sensé"

« Censé » et « sensé » se prononcent de la même façon et sont deux adjectifs qui se terminent comme des participes passés. « Censé » vient (1611) du verbe « censer », employé jusqu’au XVIe s., qui signifiait « réputer, croire, aviser, censurer ». « Être censé » représente une survivance du passif de ce verbe disparu. Il est le plus souvent suivi d’un infinitif, mais il peut avoir aussi un attribut du sujet : « Nul n’est censé ignorer la loi. – Il était censé le lien entre le comité directeur de Provins et le comité directeur de Paris » (Balzac). « Censé » a un sens unique « supposé, réputé, présumé ». « Sensé » est un faux participe passé, formé en fait sur le nom « sens » (1580). Il signifie littéralement « qui a du sens ». Il qualifie « une personne qui juge, raisonne selon les normes » (« Dict. hist. de la langue française »), mais il peut aussi s’appliquer à des choses conformes à la raison, notamment des paroles. « L’'homme sensé examine, discute, afin d'être d'accord dans ses opinions » (Constantin-François Chassebœuf de La Giraudais, dit Volney) – « Je lui dis une foule de choses sensées, comme si la raison m'était subitement revenue » (E. Fromentin). Son antonyme « insensé » est sans doute mieux connu. Ces deux homophones sont souvent confondus : on écrit souvent « sensé » au lieu de « censé », ce qui peut donner lieu à quelque plaisanterie, pas toujours sensée: – Vous êtes sensé présider la séance. – Mais il n’est guère sensé !

Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.