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« Il était un prince EN Avignon » mais un roi À Paris.

| 29 mai 2019 | par Jean-Christophe Pellat

Comment bien faire la disctinction entre une préposition de localisation et une préposition de position ?

Les prépositions « à » et « en » ont des emplois bien répartis pour introduire un complément de lieu. La première indique une localisation ou une direction, la seconde « une position à l’intérieur de limites » (Robert). « En » introduit, entre autres, des noms de pays féminins ou commençant par une voyelle, ou de grandes îles (en Chine, en Corse), par opposition à « au » devant des noms de pays masculins ou commençant par une consonne (au Canada).  Pour construire les noms de villes, l’usage hésite : « Une petite brise qu’on aurait crue née en Avignon ou à Nice » (J. Mistler). Même si « à », évoquant une localisation pure et simple domine, on rencontre « en » devant le nom de certaines villes : Arras, Alger, Amiens et surtout Arles et Avignon (exemples du « Bon usage », § 1051). On a expliqué le dernier emploi par le fait qu’Avignon désignait à une époque l’Etat papal, et non une simple ville, et aussi par l’influence du provençal. Et l’on constate que le nom des villes concernées commence par la voyelle A, qui ferait hiatus avec la préposition « à ». En outre, jusqu’au 17e s., « en » était généralement employé devant les noms de villes (« en Damas », Vaugelas).  Et puis, devant les noms de pays comme dans d’autres cas, certains emploient « en » par coquetterie, car « en » semble plus élégant que le simple « à » : il a soutenu sa thèse en Sorbonne, le concert aura lieu en la cathédrale Notre-Dame, … Une manière de se mettre en valeur ou de céder à la mode.

Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.