Pour l'amour
de la langue française

Marcel Proust a reçu le prix Goncourt il y aura 100 ans en décembre.

| 04 novembre 2019 | par Jean-Christophe Pellat

Marcel Proust a reçu le prix Goncourt le 10 décembre 1919 pour « A l’ombre des jeunes filles en fleurs », reconnaissance littéraire tardive, le temps lui étant compté (il est mort en 1922).

Dans ce deuxième tome de la « Recherche », découpé en deux parties, nous découvrons une galerie de personnages remarquables, le marquis de Saint-Loup et le peintre Elstir en particulier, et, bien sûr, dans la station balnéaire de Balbec, les jeunes filles en fleurs, Albertine, Andrée et les autres. Parmi ces pages admirables, nous mettons en avant un épisode où l’histoire littéraire rencontre celle de l’enseignement, la composition de Gisèle « au certificat d’études », sur le sujet « Sophocle écrit des Enfers à Racine pour le consoler de l’insuccès d’Athalie » (2e partie). Ce sujet, qui correspond à ceux du nouveau baccalauréat (1881), illustre le déclin de la rhétorique et l’essor de la littérature dans l’enseignement du français, bien dans l’esprit de l’époque : écrire une lettre était un type de sujet réservé aux filles ! Dans les commentaires de cette composition, Proust mêle de fines considérations sur l’écriture scolaire aux réactions de ses personnages, principalement Andrée et Albertine, dont Marcel est amoureux. Cette commémoration est aussi marquée par la publication, aux Editions de Fallois, d’un recueil de nouvelles de jeunesse : « Le Mystérieux Correspondant et autres nouvelles inédites ». Luc Fraisse, dans son introduction, souligne que « nous y apercevons l’écrivain », au commencement de son entreprise littéraire (p. 22). Dans la nouvelle placée en titre, le lecteur amusé découvrira qu’un simple accord du participe passé avec le COD apporte une révélation capitale sur ce correspondant. Un bel exemple de la contribution de la grammaire à l’interprétation du texte littéraire !

Jean-Christophe Pellat
Jean-Christophe Pellat est professeur émérite de linguistique française à l’Université de Strasbourg, où il a enseigné en Licence, Master et dans les préparations au CAPES et aux agrégations de Lettres. Spécialiste de grammaire et orthographe françaises (histoire, description, didactique), il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, dernière éd. 2016) et de diverses grammaires scolaires. Dans ses travaux sur la didactique de la grammaire en FLE et FLM, il s’attache à l’adaptation des notions aux différents publics concernés.