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Une nouvelle peut-elle s'avérer fausse ?

| 01 avril 2018 | par Jean-Christophe Pellat
Réponse : Non, même si nous sommes encore proches du 1er avril et malgré les « fake news » qui se répandent dans les réseaux sociaux, une nouvelle ne peut pas s’avérer fausse, même si elle l’est effectivement, en raison d’une contradiction avec le sens étymologique du verbe « avérer ». Le verbe « avérer » est un emprunt (début XIIe s.) au latin médiéval « averare », de « ad » et « verus », qui signifie « vrai ». « S’avérer faux » signifierait que la vérité est fausse, ce qui est une contradiction logique.
« Avérer » a d’abord été un verbe transitif qui signifiait « réaliser, accomplir », puis « faire reconnaitre pour vrai, prouver, certifier » (v. 1260) : « j’ai eu bien avéré ce point » (Sainte-Beuve). Puis il a été évincé par la forme pronominale « s’avérer » (1836), au sens de « se vérifier, apparaitre comme vrai ». On l’emploie aussi à la forme impersonnelle « il s’avère que… » : « Au contrôle, il s'avère que la défaite d'Adoua est de 1896. » (B. Cendrars)
Ainsi, le lien avec le sens étymologique s’est progressivement perdu, d’abord avec l’emploi littéraire au XIXe siècle « se manifester, apparaitre », sans idée de vrai, puis avec la construction au XXe siècle avec un adjectif attribut (« Bon usage », § 243 b 5°) : « Le marché s’avéra fructueux. » (R. Rolland) ; « La soif s’avérait redoutable. » (J. Giraudoux)
Cet adjectif peut être construit avec « comme » : « Cette mort s’est avérée comme définitive. » (M. Butor)
Le lien à la vérité étant perdu, « s’avérer » se rencontre avec l’adjectif faux : « Bien que ses calculs s’avérassent faux sans jamais d’exception. » (H. de Montherlant) Pour éviter ce « non-sens », comme dit l’Académie, on peut remplacer « s’avérer » par « se révéler, se trouver, apparaitre (comme) ». Inversement, on évitera aussi de dire « s’avérer vrai, exact », ce qui est un pléonasme. Comme quoi la vérité est parfois difficile à trouver.
Jean-Christophe Pellat

Jean-Christophe Pellat est professeur de Linguistique française à l’Université Marc Bloch – Strasbourg 2.

Ses enseignements et ses recherches portent sur la grammaire et l’orthographe françaises, dans leurs dimensions historiques, descriptives et didactiques. Il est co-auteur d’un ouvrage universitaire de référence, Grammaire méthodique du français (PUF, 1994).

En complément de ses activités en France, il est responsable de différentes actions d'enseignement du français en collaboration avec des universités étrangères, notamment en Azerbaïdjan, en Iran et aux États-Unis.